Coréenne d'origine mais Australienne de coeur : elle a beau être née, tout comme ses deux parents avant elle, en Corée du Sud, Bang Bo Hyung n'est restée que six ans à Busan avant de s'envoler pour la capitale britannique pour les besoins professionnels de papa et maman.
Bo Hyung, c'était une gosse d'un peu partout. Elle s'adaptait vite, captait les manies des habitants pour se les approprier et se faisait aimer de tous. Enfant discrète, un peu complexée mais tant aimée par sa famille et si à l'aise à s'intégrer que pas une fois elle ne se retrouva seule. Pendant des années, ces deux figures principales de sa vie pourtant si occupées furent son appui, son ressors, et grâce à eux la gamine ne manqua jamais de rien et surtout pas d'affection.
Londres, c'est ce qui marqua un tournant majeure dans sa vie. Âgée de huit ans, Bo Hyung était devenue assez grande pour comprendre pourquoi maman voulait lui faire prendre des médicaments dans une petite trousse à emporter à l'école, mais y donnant des limites trop brouillées pour qu'elle n'en comprenne le caractère grave. Ainsi une petite fille naïve raconta à quelques camarades de classe, dans un anglais approximatif, un secret qu'elle trouvait précieux mais voulait partager. À peine huit ans, trop jeune pour comprendre les conséquences de cet aveu et pour estimer la méchanceté d'un enfant.
« Dude », on l'appelait, tout dans le registre du mec efféminé qu'on allait frapper en bande pour la tester. Ce fut la première fois de sa vie que la petite Bang fut confrontée à la cruauté de ses pairs, heurtée à un monde impitoyable duquel on l'avait toujours protégée. Persécutée pendant un an, elle n'eut jamais son mot à dire depuis le fatidique jour où, fière comme la gardienne d'un trésor, elle avait avoué à deux de ses amis qu'elle était intersexuée. Elle était une fille pourtant, née dans un corps de fille. Seuls ses chromosomes s'étaient trompés à la formation mais ça ne la rendait pas différente des autres petites filles de son âge.
Les brimades prirent fin lorsque ses parents s'arrangèrent pour la transférer dans une autre école londonienne mais les choses ne reprirent jamais leur cours. Car c'est à huit ans seulement, que Bo Hyung prit conscience de la cruauté du monde, des injustices qu'elle aurait à subir tout au long de sa vie pour une foutue gélule qu'elle prenait à chaque repas.
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On décida de déménager en Australie, pour recommencer du début, loin du pays dans lequel elle avait tant souffert et contre toute attente, c'est à Canberra qu'elle trouva sa vraie maison, ses repères et un foyer sécurisé, cette fois, dans lequel elle ne refit pas la même erreur et garda son secret pour elle, qu'importe combien il lui pesait. Elle put s'épanouir dans ce pays, devenir une adolescente comme les autres mais jamais Bo Hyung ne retrouva sa candeur, la confiance qu'elle accordait autrefois si facilement ne fut réservée qu'à ses deux parents et toutes ses relations, proches ou non, étaient basées sur un rapport dominant-dominé. De naïve et aventureuse elle était passée à méfiante et renfermée, pourtant son attitude désinvolte et arrogante semblait plaire plutôt que faire fuir et elle s'est rapidement composée une popularité dans ses premières années de lycée. L'apparence exotique doublé du caractère impétueux de la demoiselle attirait ; ainsi, elle avait plus d'admirateurs que de véritables amis et bien qu'on craigne sa franchise à toute épreuve et son impudence, on osait rarement prendre congé de Bang Bo Hyung : on était congédié.
Presque instinctivement, elle s'était conformée à une image plus masculine d'elle-même et avait développé une carapace qui la protégeait des moqueries jadis subies. Cette petite fille naïve était enterrée, loin derrière elle, elle comblait ses insécurités par une façade égocentrique et s'en convainquait, même. Parce qu'elle pensait que tous voulaient la rabaisser, son unique but était de les dépasser et elle s'est forgée une assurance et une fierté, bien que factices, à toutes épreuves. Sa détermination et son ambition étaient ses plus gros atouts pour accompagner son joli visage et on l'a rapidement repérée dans le monde du mannequinat, elle dont la seule expérience dans le milieu était d'avoir porté des fringues toute sa vie. Enchaînant photoshoots depuis ses quinze ans, elle décida de s'engager dans une filière à laquelle elle n'avait jamais songé mais qu'elle poursuit maintenant avec tout son cœur.
Cette stabilité qu'elle avait réussi à installer dans sa vie fut hélas de courte durée et sa maternelle dut de nouveau déménager pour affaires aux Etats-Unis, et, du haut de ses seize ans, Bo Hyung décida de tout plaquer pour la suivre. Rebelote. Popularité, nouveaux horizons mais jamais l'exaltation qu'elle pouvait ressentir à Canberra, qui était devenu la seule maison qu'elle puisse envisager et c'est à peine deux ans après qu'elle y retourna pour reprendre sa vie là où elle l'avait laissée.
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Son diplôme décroché signa sa liberté loin de l'environnement scolaire et de nouveaux horizons pour elle. Voyages dans le Nord, le Sud, pour des vacances ou pour des photoshoots, les occasions d'aller à l'étranger et de découvrir de nouveaux pays furent nombreuses pour Bo Hyung mais jamais l'idée de retourner dans son pays natal, le vrai, ne lui frôla l'esprit. Elle fut confrontée à la nouvelle sans qu'on ne lui demande son avis : le départ était imminent et cette fois-ci, ce fut pour de bon que la famille Bang déménagea, en Corée du Sud cette fois. Un pays auquel la jeune femme ne se sentait aucun rattachement, si ce n'est celui du nom ; son passeport lui donnait la nationalité australienne après tout. C'est donc presque malgré elle, pour suivre ses parents qu'elle n'avait que trop quittés et qui étaient, après tout, son unique véritable soutien, qu'elle se plia à leur demande et la famille s'envola pour le pays asiatique.
Il lui fallut un temps d'adaptation. Une mentalité dans laquelle elle ne retrouvait rien de la sienne, aucun repères, une langue qu'elle ne maîtrisait pas tout à fait. La seule motivation qu'elle éprouvait à rester dans ce pays était la présence de ses parents, mais également et, contre toute attente, l'espoir d'y croiser une demoiselle qu'elle ne connaissait que via un écran et qui ne la connaissait pas en retour. Surprise, elle la croisa effectivement un jour. Ou plutôt, elle avait provoqué cette rencontre elle-même ; obtient-on quoi que ce soit quand on attend la paume ouverte sans rien faire ? Elle avait été la seule mannequin invitée à cette conférence de presse mais qui s'en soucierait. Et après des années de silence, de timidité excessive de la part de l'Australienne, celle-ci avait finalement sauté le pas et adressé la parole à la jeune femme dont elle rêvait depuis tant de temps.
Bae Midori, s'appelait-elle et ce nom était devenu le plus cher à ses yeux. S'il y avait une personne qui pouvait avoir plus d'importance à ses yeux que sa propre famille alors il s'agissait d'elle. Elles sont rapidement devenues proches, et une fois la barrière de la langue et une légère réserve de la part de Bo Hyung cette dernière n'hésita pas à rendre ses sentiments pour elle explicites, toujours audacieuse mais jamais suffisamment claire, de sorte à ce qu'apparemment, Midori ne comprenne jamais où son amie voulait en venir.
Plutôt que de se rendre compte de défauts de Midori qui pourraient ruiner l'image qu'elle s'en était faite, elle était tombée un peu plus amoureuse de chacune des particularités de la jeune femme, trouvant au travers d'elle une beauté qu'elle n'avait jamais pu accorder au monde et une affection qu'elle n'avait jamais reçue. Elle s'ouvrait enfin grâce à elle, déposait les armes, s'autorisait la vulnérabilité et prenait son envol. Si elle sait que rien n'est gagné pour elle et qu'une possessivité dont elle s'ignorait capable prend parfois le dessus, elle sait en tout cas que Mio vaut chacun des obstacles qu'elle peut avoir à franchir.
Sur le plan business, sa carrière a également connu un nouvel essor en Corée. Grâce à Mio, encore une fois ; l'une devenant complémentaire de l'autre et chacune apportant à l'autre ce dont elle avait besoin pour étendre son nom. Les mettre en duo semble le numéro gagnant pour leurs carrières, et cette perspective est loin de déplaire à B.Bong, laquelle ne regrette plus tant l'Australie maintenant.