Le problème c’était que j’étais tombé amoureux de cette ville.

Je ne suis rien qu’un petit irlandais prétentieux. Je viens de Castlebar. Pas très connu. Personne ne s’intéresse à l’Irlande, les gens fantasment sur les Etats-Unis, la France mais sûrement pas une île paumée, réputée pour son temps pluvieux. Je suis né là-bas, dans une petite maison avec des murs en pierre. Ça fait rustique mais c’est plutôt cosy. Je pense qu’on s’habitue à tout. C’est mon pays, mes racines. J’ai grandi avec ma mère est mes grands-parents. Elle est tombée enceinte à 17 ans, bonjour le drame familial. C’était son premier amour et même si elle ne le revoyait jamais, cet enfant prouvait que leur histoire avait existé. Il venait d’Australie, seulement pour les vacances. C’est comme ça que je suis arrivé. Je n’ai jamais demandé un père, un parent suffi pour me combler.
Petit blond aux yeux bleus, j’étais timide et je trainais toujours dans les pattes de ma mère ou de ma grand-mère. Le week-end j’allais à la pêche avec mon grand-père. Je me sentais fort ! Une vie banale sans grandes étincelles.

Je n’étais pas très populaire à l’école. Vous savez, il y a toujours ce cliché du petit gros qui embête les plus faibles, et bien moi j’étais le cliché du chétif qui se faisait emmerder sans jamais rien dire. Vol de gouter à l’arraché, menace avec des bâtons et bien évidemment bousculade dans les couloirs. Les autres riaient ou faisaient semblant de ne rien voir.
C’est au collège que j’ai pété les plombs, je devais avoir 14 ans, j’avais grandi. Il m’avait bousculé, j’avais mon livre d’histoire dans les mains, je lui ai écrasé sur la tête jusqu’à ce qu’il se roule par terre en me suppliant d’arrêter. Je crois bien lui avoir craché dessus, j’étais aveuglé par la rage et l’envie de vengeance. Je me suis fait exclure pendant une semaine, ma mère était déçue. Elle n’avait jamais remarqué ce que je subissais mais elle ne me croyait pas capable d’une telle violence.
C’est ce jour-là que j’ai décidé de ne plus me laisser marcher sur les pieds. C’est à cet instant que mon caractère s’est forgé.
Je me suis mis à faire du sport, courir tous les jours me muscler. Je voulais avoir de l’allure et oublier ce petit gringalet.

L’année d’après ma mère m’a présenté son petit ami. Riche. J’ai d’abord cru qu’il se foutait de sa gueule. Qu’est-ce qu’un mec en costard à 600 euros fouterait avec une femme gagnant à peine sa vie et un gamin en pleine crise d’ado. C’était irréel. Pourtant ils se sont mariés et j’ai eu le droit aux plus belles écoles.
Je n’étais pas habitué à tout cet argent, ça me mettait mal à l’aise. Je ne venais pas du même monde que tous ces gosses de riche. Ma mère était heureuse, c’était le plus important, elle le méritait.

Durant ma première année de lycée, j’ai rencontré un groupe de gars plutôt sympas qui se servaient de l’argent de leurs parents pour acheter, cigarettes, alcool, drogues et même prostitués. On se marrait bien et je me suis laissé entrainer dans tout ce bordel. Je passais mon temps dans les soirées à me défoncer. Je n’avais jamais eu de petite amie et voilà que je couchais avec des gravures de mode. C’était sympa mais sans plus. J’ai décidé de tester les mecs, juste pour voir la différence et là, j’ai pris mon pied. Je me foutais de ces que les autres pensaient et ils se foutaient de ce que je faisais.
J’allais en cours quand ça me plaisait et je m’envoyais en l’air dans les toilettes. J’étais accro à tout. Mon beau père m’a envoyé en cure de désintox, sans me laisser le choix. J’avais à peine 17 ans. Je jouais avec ma vie et ça ne me dérangeais pas.
J’ai rencontré un type la bas, on partageait la même chambre. Il était un peu plus âgé que moi, je croyais qu’il était chinois mais je me suis fait engueuler, il était coréen. Min Ho. Il m’avait dit que si on arrivait à sortir de cette merde, il me ferait visiter son pays. Presque 8 mois pour sortir de cette cage.

J’ai dû refaire mon année pour avoir mon diplôme, mais je n’étais plus le même. Pour fêter ça je suis allé rejoindre Min Ho à Séoul. C’était un autre monde. Il m’a entrainé partout, jusque dans les petits recoins de la ville. Je me sentais bien, je me sentais libre. Après deux mois de pure folie, le retour à la maison était compliqué. Le problème c’était que j’étais tombé amoureux de cette ville.

J’ai demandé à mon beau père de poursuivre mes études là-bas. D’accord si je restais clean. Après quelques mois de cours intensifs, j’ai fait mes valises et je suis parti. Je pouvais tenir des conversations avec mon petit accent irlandais. Le but était de m’inscrire dans une école et de trouver un petit boulot, même si beau papa finançait tout. Je ne voulais pas être complètement à sa charge. J’ai repris la clope mais je ne touche plus à rien d’autre.